Pour une politique de prévention et gestion vertueuse des biodéchets dans tous les territoires et pour tous·te·s les habitant·e·s
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motion adoptée par le conseil fédéral réuni les 1 et 2 avril 2023


Exposé des motifs

Les biodéchets sont composés des déchets verts (de jardin, espaces communs verts…) et des déchets de cuisine et de table. Ils représentent l’équivalent d’1/3 du contenu des poubelles des Français·e·s et sont aujourd’hui généralement enfouis ou incinérés, ce qui a de nombreux effets négatifs, alors qu’ils pourraient être valorisés et retourner au sol. Ils sont composés à 80% d’eau : les transporter sur de longues distances et/ou les brûler est aberrant.

Depuis la directive déchets de 2008, plusieurs lois apportent des avancées et précisions sur la question des biodéchets (Grenelle II, LTECV et AGEC), jusqu’au cadre réglementaire actuel. Tous les producteur·trices de biodéchets au-delà de 5 tonnes par an doivent d’ores et déjà trier et valoriser leurs biodéchets, ce qui concerne donc notamment de nombreuses cantines et les industries agroalimentaires. Au 1er janvier 2024, tous les producteur·trices devront trier leurs biodéchets : habitant·e·s, restaurants, entreprises, bureaux, etc.

Malgré cette échéance très proche, de nombreuses collectivités et EPCI n’ont pas encore mis en place de solution de tri à la source des biodéchets pour les habitant·e·s et de nombreuses administrations et entreprises ne trient pas leurs propres biodéchets.

Il n’est pour l’instant pas certain que les collectivités ou entreprises ne remplissant pas leurs obligations seront sanctionnées. L’augmentation de la TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) pousse à réduire les quantités de déchets collectés de manière coercitive, mais cela n’est pas suffisant.

La prévention des biodéchets

La priorité doit aller à la prévention des biodéchets. Prévenir les déchets verts se fait notamment dès la conception de l’espace, par le choix des essences utilisées, par des techniques de gestion différenciée ou intégrée des espaces verts ou par le broyage.

Le gaspillage alimentaire représente chaque année 10 millions de tonnes de nourriture par an en France, dans la distribution, la restauration et les foyers. S’y ajoutent les pertes de la production agricole, de la transformation et du conditionnement. Avec la difficulté d’accès à une alimentation saine pour une part grandissante de la population, il est urgent de mettre fin à ce gaspillage, qui représente également un gâchis de ressources en eau, énergie et terres agricoles.

De nombreux outils ont déjà prouvé leur efficacité pour lutter contre le gaspillage alimentaire dans les foyers, comme la sensibilisation aux dates Limites de Consommation/Date de Durabilité Minimum.

La France doit tenir ses engagements (réduction de moitié du gaspillage alimentaire d’ici 2030 pour tous les secteurs, de la restauration collective à la grande distribution), de même que les grossistes (interdiction de la destruction des invendus, obligation du don alimentaire). Les actions de prévention se développent aussi en restauration collective, sur les marchés, centres de distribution, champs et récoltes… mais restent insuffisantes pour atteindre les objectifs et il est nécessaire de les accélérer.

Pour la réduction des biodéchets, comme des autres déchets, l’instauration de la tarification incitative sur la fiscalité déchets est un levier à privilégier, défendu de longue date par les écologistes puisque son efficacité n’est plus à démontrer.

En complément de la prévention, il faut ensuite choisir une ou plusieurs solutions de gestion des biodéchets :

  • la valorisation sur place (compostage individuel ou collectif) ou
  • la collecte séparée des biodéchets, conduisant ensuite à du compostage sur plateforme ou de la méthanisation puis compostage.

Il est important de signaler qu’il n’y pas d’obligation de collecte ou d’obligation de disposer d’un compost, mais une obligation de tri à la source. Certains territoires font le choix du 100% compostage de proximité, d’autres du 100% collecte et la grande majorité mixent les 2 types de solutions.

La gestion de proximité des biodéchets

Le compostage est une technique de transformation de la matière organique, s’inspirant du « cycle de la matière » en milieu naturel, où tout ce qui se dépose au sol (branches, feuilles, fruits, animaux morts…) se transforme en humus grâce aux actions combinées d’une multitude d’êtres vivants. Le compostage de proximité, qu’il soit individuel ou collectif (immeuble, parc, quartier, établissement, bureau…), est relativement peu coûteux à installer et peut valoriser l’ensemble des biodéchets.  Il nécessite le déploiement de moyens humains par la collectivité pour assurer la mise en place et le suivi du compostage. Le compostage collectif permet le renforcement de liens sociaux dans un immeuble ou un quartier.

Autre élément important de la gestion de proximité, la valorisation des déchets verts sur place se fait surtout par le développement du broyage de proximité, qui permet des économies de transport, d’eau et offre une garantie d’apport en matière structurante pour les composts (de proximité comme industriel).

Le vermicompostage ou lombricompostage consiste à accélérer le processus de compostage grâce à des lombrics et est particulièrement facile à mettre en place en appartement, donc notamment dans les zones très denses où l’espace manque pour installer des composteurs extérieurs.

Le compostage électromécanique désigne une installation fermée de petite taille qui accélère la dégradation de la matière organique. Plus coûteuses que les composteurs classiques, ces installations peuvent notamment être une solution de proximité dans des villes denses ou pour simplifier la gestion dans un établissement.

Le compost est un amendement naturel qui, en améliorant le sol, peut remplacer avantageusement les amendements et engrais chimiques. L’ensemble des déchets issus de la consommation alimentaire humaine doit être considérée d’abord comme une ressource à valoriser. Le compostage de proximité permet aussi à une biodiversité riche et variée de se développer dans la matière et aux alentours des composteurs, puis dans les sols où le compost est utilisé.

Il a également des bénéfices économiques et favorise le développement de métiers d’avenir, tels que les Guides et Maîtres composteur·e·s, professionnels du compostage qui exercent une grande variété de fonctions (formation, animation, accompagnement tout public, construction de matériel low tech, collecte en mobilité douce…).

La collecte des biodéchets

Complémentaire de la prévention et de la gestion de proximité, la collecte peut se réaliser en porte-à-porte (dans des poubelles dédiées) ou en points d’apports volontaires (comme pour la collecte du verre). Le choix entre ces 2 méthodes se réalise souvent en fonction de l’espace disponible près des habitations et des habitudes de tri des habitant·e·s sur le territoire. La collecte permet un geste plus simple pour les habitant·e·s et peut donc permettre de capter les biodéchets de celles et ceux qui ne souhaitent pas composter. Une fois collectés, les biodéchets sont conduits sur des plateformes de compostage ou dans des centres de méthanisation, suivi d’un compostage

Sur les plateformes, le compostage est géré sur de très importants volumes et le compost est ensuite normé afin de pouvoir être distribué et utilisé en agriculture. Le label ASQA (Amendements sélectionnés qualité attestée) doit être particulièrement soutenu, puisqu’il permet aux agriculteur·ices – notamment bio – l’accès à un compost de qualité. Les autres normes actuelles autorisent trop de métal et plastiques.

Dans les centres de méthanisation, les déchets sont valorisés en gaz, lui-même injecté sur le réseau de gaz ou utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur.  Le résidu issu de ce procédé est obligatoirement mélangé avec des déchets verts et composté, pour être ensuite épandu dans les champs. A l’heure actuelle, ces centres ne sont généralement pas les mêmes que ceux liés à la production agricole, même s’ils peuvent intégrer des résidus de culture dans leurs procédés.

Par rapport à la gestion de proximité, les inconvénients de la collecte sont les mêmes que pour la collecte des autres déchets avec notamment le transport de camions, parfois sur de longues distances. Il faut donc accélérer la décarbonation de la collecte via des vecteurs décarbonés et favoriser la gestion publique des services de collecte, afin de pouvoir garder le contrôle du périmètre souhaité et donc des transports. Selon la base empreinte de l’ADEME, base de données publiques officielle sur les émissions de CO2, le compostage domestique en bac émet 9kg eq. CO2/tonne de déchets, contre 140kg pour le compostage industriel (-26kg d’émissions évitées) et 173kg pour la méthanisation des déchets de cuisine (-12kg d’émissions évitées).

Par ailleurs, la collecte de biodéchets, comme celle des déchets en général, éloigne les habitant·e·s des conséquences des actes de consommation. A contrario, les composteurs individuels ou collectifs favorisent la « conscientisation », facilitant l’accès à une logique de réduction, voire de zéro-déchet. 

Face aux contraintes (notamment du débouché) du compostage de proximité, la généralisation de la collecte des biodéchets en zone urbaine dense est une solution efficace pour permettre un recours massif au tri des biodéchets. Ainsi, les résultats de la collecte pour la tonne de biodéchets collectée par habitant desservi sont actuellement bien supérieurs à ceux du compostage de proximité en France, pouvant donc sortir davantage de déchets du cycle encore plus polluant des ordures ménagères. Avec l’urgence de valoriser les biodéchets, elle peut donc s’avérer être un dispositif complémentaire pertinent, en parallèle des actions de réduction des biodéchets et du compostage de proximité. Par ailleurs, le compostage industriel est à l’heure actuelle le seul considéré comme utilisable sur les sols agricoles, car les tests d’analyse de son innocuité sont amortis dans son modèle économique – ce qui n’est pas le cas du compostage de proximité.

Entre la gestion de proximité et la collecte de biodéchets, se développe un éventail de solutions intermédiaires telles que la micro-collecte en mobilités douces, le pré-compostage avant collectele compostage de territoire en lien avec l’agriculture péri-urbaine ou encore le compostage en bout de champ, qui consiste à composter directement sur des parcelles agricoles. Ces solutions, si la qualité de leur production est validée, peuvent servir à atteindre les objectifs de valorisation des biodéchets

Quelle que soit la solution de tri à la source retenue, collecte ou compostage, l’information, la sensibilisation, la communication, et la formation des publics sont primordiales, afin d’obtenir réellement un geste de tri.

Pour toutes les solutions de valorisation, la recherche de la qualité agronomique doit être un souci majeur de l’ensemble de la filière et suppose de poursuivre et de mutualiser la connaissance, en coopération avec le monde agricole.

Les systèmes de tri mécano-biologique (TMB) et autres technologies de tri préparation, ne séparant pas, à la source, les flux des biodéchets des autres déchets, il est nécessaire de continuer à s’y opposer. Il ne doit y avoir aucune tolérance sur la mise en place de nouveaux TMB, comme s’y était engagée la France

En plus des efforts importants pour investir dans la prévention des biodéchets alimentaires et verts, la superposition des diverses solutions de tri à la source et de valorisation est nécessaire car elles sont complémentaires. La gestion de proximité répond plus directement aux enjeux climatiques et environnementaux, d’amélioration du lien social et de réappropriation de notre alimentation et de la gestion des déchets par les habitant·e·s. La collecte séparée permet de traiter d’importants volumes et d’enrichir les sols agricoles locaux avec de la matière organique de qualité quand elle respecte des normes suffisamment exigeantes.

Considérants

  • Les prises de position et actions des élu·e·s et des militant·e·s écologistes à travers la France en faveur de la prévention et de la gestion de proximité ainsi que de la collecte séparée des biodéchets ;
  • La motion Pour le Zéro déchet comme alternative à l’incinération adoptée en conseil fédéral en 2016 et la motion Déchets organiques et Tri Mécano-Biologique de 2012 ;
  • Le programme écologiste des élections régionales de 2021 pour une économie circulaire des biodéchets, priorisant la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’organisation du retour au sol des biodéchets dans les activités agricoles du territoire ;
  • Le projet de la campagne de Yannick Jadot en 2022 pour une politique de réduction des biodéchets et de compostage territorialisée permettant de valoriser 65 % des biodéchets à horizon 2025 ; et un maximum de 20 kg/hab/an de biodéchets hors déchets verts dans les caractérisations des OMR (ordures ménagères résiduelles)
  • L’envie grandissante de la population d’agir concrètement pour réduire sa production de déchets.

Motion

Europe Écologie Les Verts 

  • rappelle que la prévention des déchets doit toujours être une priorité : le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas, ou que l’on réemploie ou que l’on valorise chez soi chaque fois que c’est possible ;
  • affirme son soutien à la gestion de proximité des biodéchets, qui permet de faire face à de très nombreux enjeux environnementaux tout en renforçant les liens sociaux ;
  • soutient la généralisation de la collecte des biodéchets, surtout dans les zones les plus densément peuplées, en complément des actions de prévention et gestion de proximité des biodéchets, pour le compostage en plateforme ou la méthanisation, en raison de l’urgence à valoriser les biodéchets ;
  • promeut le développement d’une filière de valorisation des déchets organiques de qualité pour soutenir l’agriculture biologique, pour favoriser les circuits courts sur les produits frais, notamment en ceinture des grandes villes et par le compostage de territoire ;
  • encourage les élu·e·s et militant·e·s à engager sur leur territoire une démarche volontaire pour la mise en place de stratégies de prévention, gestion de proximité et collecte et valorisation des biodéchets ;
  • appelle l’État à poursuivre l’accompagnement financier des producteurs, collectivités et EPCI pour la mise en œuvre de la réduction, du tri et de la valorisation des biodéchets, notamment en captant une partie de la TGAP pour financer des programmes de prévention ;
  • appelle l’État à mettre en œuvre des campagnes de communication à grand échelle pour inciter les habitantes et habitants à trier leurs biodéchets ;
  • demande à l’État de mettre en œuvre un dispositif de contrôle et de sanctions pour les gros producteurs de déchets qui ne mettent pas en œuvre le tri à la source et la valorisation de leurs biodéchets, ainsi que pour les collectivités et EPCI qui ne s’engagent pas résolument dans cette voie ;
  • soutient l’arrêt effectif du financement des dispositifs de tri mécano-biologiques (TMB) et assimilés, une stratégie de sortie de l’enfouissement et un moratoire sur la construction d’incinérateurs. Par ce moratoire, tout nouveau projet d’unité de traitement par incinération devra faire l’objet d’une étude territoriale envisageant l’optimisation des capacités des unités existantes et de l’étude de toutes les alternatives de traitement et valorisation ;
  • appelle à un développement du soutien financier des collectivités et de l’État aux projets de recherche sur les impacts positifs et négatifs pour les sols et l’agriculture des différents types de compostage (domestique, lombricompostage collectif, industriel, en bout de champs, restes de processus de méthanisation suivi ou pas d’un processus de compostage, bokashi, etc.) ;
  • appelle l’État à établir un cadre réglementaire sécurisant pour le lombricompost et le lombricompostage collectif ;
  • appelle l’État à appuyer le travail scientifique et de terrain pour permettre la reconnaissance de la valeur agronomique et de l’innocuité des amendements issus du compostage de proximité au processus bien contrôlé  et, le cas échéant, faire évoluer la réglementation en vigueur pour étendre les possibilités d’utilisation du compost produit ;
  • appelle l’État et les parlementaires européens à travailler à l’élaboration de normes plus ambitieuses obligatoires sur la qualité et le taux de plastique, éléments traces métalliques et inertes dans les composts industriels et résidus de méthanisation pour assurer un retour au sol de grande qualité pour l’agriculture.