DASTRI : Exigeons une responsabilité élargie du producteur à la hauteur des enjeux
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Un éco-organisme DASTRI a été créé pour mettre en oeuvre la Responsabilité Elargie du Producteur (REP) pour ce qui concerne la collecte des déchets médicaux coupants et tranchants des DASRI (Déchets d’activité de soins à risque infectieux). Cependant, le dispositif actuellement envisagé, à la charge de l’industrie pharmaceutique, n’est pas à la hauteur des enjeux.
De manière résumé, le cahier des charges, rédigé par l’État, de l’éco-organisme DASTRI donne comme objectif 60 % de collecte des coupant-tranchant provenant des particuliers. 60 % n’étant pas un objectif très ambitieux. Signalons que les Régions en charges de la planification des déchets dangereux n’ont pas été consultées tant sur le taux de captage de 60 % indiqué dans le cahier des charges que sur le nombre minimal de points de collecte.
Le cahier des charges demande aussi à l’éco-organisme d’avoir au moins 5 000 points de collectes. C’est ainsi que 5 700 points de collecte connus des ARS (Agence Régionale de Santé) ont été retenus par l’éco-organisme, allant au-delà de son cahier des charges, mais laissant de côté des points de collecte, non recensés par les ARS telle par exemple des pharmacies qui faisaient cela déjà de manière volontaire pour rendre service à leur clients.

Par ailleurs, DASTRI étant un éco-organisme opérationnel, il ne donnera pas d’aides aux collectivités qui mettent en place de telles collectes. Il se contente de mettre à disposition les bacs de collecte dans les points de collecte pour les faire ensuite enlever suite à un appel d’offre qu’il a lancé. Ainsi le syndicat Trivalis, par exemple, qui couvre l’ensemble du territoire de Vendée et qui avait organisé une collecte des DASRI sur 40 points de collecte, va abandonner son dispositif. Il y a, aujourd’hui, le risque d’avoir au final moins de points de collecte qu’aujourd’hui, sauf à ce que certains continuent sans aide.

Pour arriver à une collecte la plus efficace possible, il faut bien entendu permettre à tous les patients concernés d’avoir au plus proche de chez eux, un lieu de collecte. La pharmacie, où le patient prend ses médicaments et récupère la boite pour mettre les seringues usagées semblait être la plus appropriée et participe de la confidentialité pour les patients.
Le choix retenu a été différent du fait du coût. C’est tout simplement une histoire de gros sous. Pour 30 000 officines, et plus de chance d’atteindre 100 % de captage, le montant estimé est de 18 millions d’euros au lieu de 9 millions aujourd’hui avec 5 700 points de collectes. DASTRI ne souhaite pas aller plus loin pour l’instant (1). La seule proposition alternative de DASTRI est de proposer aux pharmacies souhaitant collecter les DASRI pour répondre à la demande de leurs clients et qui n’aurait pas été désigné comme point de collecte officiel, de pouvoir le faire mais ensuite d’emmener les déchets aisni collectés à leur frais chez une de leur confrère, « agréé par DASTRI, qui deviendrait ainsi point de regroupement. Cette solution ne smble pas répondre à la problématique.  DASTRI a été créé par les fournisseurs des produits concernés par l’éco-contribution qui va à DASTRI. Ces industries pharmaceutiques ne veulent pas mettre plus avant la main au portefeuille. 9 M€, cela représente pourtant 0,024 % du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique en 2010 (source Insee) et 0,38 % de son résultat net (ses profits après impôts). Ou encore moins de 1 % de l’impôt sur les bénéfices payé par le secteur, toujours en 2010 (source déchets-info.com).
A titre de comparaison, le budget total de la filière des meubles ménagers est estimé à 320 M€ en 2017. Cela représente plus que le résultat net cumulé des secteurs de la  » fabrication de meubles  » et du  » commerce de détails de meubles  » en  2010 (source Insee). Et pourtant, on n’a pas entendu Ikea ou Conforama annoncer qu’ils  » ne pourraient pas le supporter « … Il faut croire que l’industrie pharmaceutique est habituée, elle, à vivre sur un grand pied…

L’estimation financière avancée par DASTRI semble de plus exagérée. Le département de la Charente organisait cette collecte depuis 1999 dans 150 officines de pharmacie du département pour un coût de 58000 €. En extrapolant à la France à partir de cette expérience de la Charente, le coût serait de 9 millions d’euros (source déchets-info.com).

Les officines de pharmacie, après avoir longtemps traîné les pieds, souhaitent que chaque officine puisse collecter ces déchets et que DASTRI vienne récupérer régulièrement leur collecte. Ces officines craignent si seuls quelques unes d’entre elles sont des points de collecte, une distorsion de concurrence : les clients iraient préférentiellement acheter leurs médicaments dans une officine récupérant les seringues plutôt que dans une autre officine non retenue par DASTRI. Des syndicats de pharmaciens menacent de porter plainte si toutes les officines volontaires ne sont pas retenues. Dans certaines zones, si toutes les pharmacies ne sont pas retenues, certains patients devraient parcourir 30 km pour emmener leurs déchets. Combien de citoyens exemplaires dans ces conditions feront ce trajet ?
Dans ces conditions, faire que les officines ne puissent pas toujours collecter les boîtes une fois pleines, c’est un peu comme si on interdisait aux vendeurs d’équipements électriques et électroniques de reprendre les appareils usagés. Une forme de reprise  » zéro pour un « , alors que la tendance est depuis longtemps au  » un pour un  » (un déchet repris pour un produit acheté), voire au  » un pour zéro  » (un déchet repris pour zéro produit acheté)…

Le danger aujourd’hui est donc qu’au final, on retrouve encore un peu plus de piquants-tranchants dans les ordures ménagères. Pourtant, ils entraînent déjà entre 1 000 à 1 500 accidents d’exposition au sang (AES) par an pour les agents chargés du tri des déchets pour un coût de 8 000 € par AES, soit 8 M€ à 12 M€ par an. Une somme équivalente pourtant à celle que refuse de rajouter l’industrie pharmaceutique pourtant une des industries les plus rentables actuellement. Ces accidents d’exposition au sang, indépendamment de l’aspect financier, sont source d’angoisse pour le personnel des centres de tri : à chaque piqûre accidentelle existe le risque de contracter le VIH (virus du Sida avec 0,3% de risque de contamination), l’hépatite C ou l’hépatite B (30% de risque de contamination). Le résultat d’une éventuelle contamination ne peut être médicalement constaté qu’au bout de plusieurs mois (source Déchets-info.com).

La logique du moindre coût de DASTRI, une logique « low-cost » risque de n’avoir qu’un impact sanitaire fort limité. Il est en effet prévu de demander aux patients d’avoir une ordonnance pour obtenir une boîte de collecte de seringues usagées de DASTRI. Aussi les toxicomanes, bénéficiant de la possibilité d’avoir des seringues sans ordonnances pour limiter le risque de contamination entre eux, n’auront pas accès aux boîtes de seringues de DASTRI. On risque donc de continuer à avoir des seringues usagées de toxicomanes dans les jardins publics alors que ce sont celles qui ont le plus de risque d’être contaminées.

EELV demande que la Responsabilité Elargie du Producteur soit réellement assumée. EELV demande que le gouvernement  impose qu’une collecte soit effectuée auprès de toutes les pharmacies et collectivités volontaires avec prise en charge par l’éco-organisme DASTRI dès le point de collecte, que les boîtes de collecte DASTRI soit mises à disposition de tous les clients des pharmacie qui le souhaitent indépendament de la possession d’une ordonnance ou pas.

(1) Le coût de la collecte n’est en effet pas proportionnel aux nombre de point de collecte. sur une même zone géographique, un ville par exemple, le fait d’augmenter le nombre de points de collecte, n’augmente pas proportionnellement le nombre de kilométrage fait pour collecter les déchets.