Perspective écologiste pour une gestion durable des déchets
Partager

Il est question ici de tous les déchets solides, à l’exclusion de ceux de l’industrie électronucléaire, dont les spécificités méritent une prise en compte particulière. Tous les déchets, qu’ils soient prétendus « inertes », « banals » ou dits « spéciaux », et quelque soit leur producteur  ( entreprise agricole, industrielle, artisanale ou commerciale, collectivité, administration ou le particulier dans ses activités domestiques et autres…).  Deux raisons essentielles à cette approche non cloisonnée ( contraire à celle généralement retenue jusqu’à présent par les politiques publiques dans ce domaine) :

  • ces différents déchets étant tous issus d’un même processus de production – distribution – consommation, une gestion coordonnée d’un bout à l’autre du cycle de vie des produits est  nécessaire,
  • une gestion coordonnée dans l’espace est également profitable en termes de synergie et d’optimisation.

Il ne s’agit pas d’entretenir de confusion quant aux responsabilités (et à la  prise en charge des coûts), mais de faire en sorte que les collectivités publiques assurent cette coordination et garantissent une cohérence territoriale.

Les déchets : un choix de société
La question des déchets ne peut se limiter (c’est souvent un piège) à une discussion exclusivement technicienne opposant, au gré des modes ou de l’émergence de pseudo solutions miracles, tel mode de traitement à tel autre (le tout recyclage ou le tout méthanisation,  après le tout incinération, qui succéda au tout décharge…). La gestion des déchets ne dispose pas de solution unique et universelle : elle passe par la complémentarité et l’adaptation au contexte local, deux principes somme toute assez « écologiques ».
Par ailleurs, il n’est plus possible de considérer la problématique des déchets vers l’aval, uniquement sous l’angle de leur traitement. La question des produits générateurs de ces déchets est désormais incontournable.   C’est plus un problème de mode de vie et de choix de consommation. Les positions, que seul EELV affiche à l’égard du productivisme ou de la croissance, trouvent ici matière à prendre corps. Dans le même esprit, la gestion de ces produits, et des déchets qu’ils risquent de devenir, doit intégrer de façon concomitante une large gamme de préoccupations environnementales, sociales et économiques, comme :

  • la protection de l’environnement immédiat, bien sur
  • la santé (voir ci-après)
  • la gestion des ressources et de l’énergie
  • les transports
  • l’effet de serre et le réchauffement planétaire
  • l’emploi
  • la convivialité, l’autonomie, le lien social
  • la démocratie et la gouvernance
  • ainsi que la question économique, forcément transversale.

La dimension sanitaire, jusqu’à présent négligée, est sans aucun doute une de celles qu’il convient désormais de prendre en compte de façon prioritaire, en appliquant à chaque fois que c’est nécessaire le principe de précaution. Notre position sur l’incinération, notamment, relève notamment de cette approche.

Une nécessaire hiérarchie entre les options de gestion des déchets
S’il faut néanmoins avancer un « programme technique » de ce que devrait être une gestion écologique des déchets (durable pour notre planète), Eurpe Ecologie Les Verts affirme qu’une hiérarchie claire doit être affichée entre les différentes options, selon l’ordre suivant :

1 – La prévention des déchets est la priorité absolue,
ses possibilités doivent  donc être systématiquement envisagées avant tout choix ou décision dans ce domaine.
La prévention doit être:

  • tout autant qualitative

Supprimer les substances toxiques à la conception des produits ; mais aussi faciliter dès le départ leur recyclage ultérieur en les concevant moins hétérogènes, plus aisément démontables, en identifiant leurs composants…

  • que quantitative

Réduire les quantités de déchets finalement « produits » : par la suppression pure et simple de produits inutiles, l’allégement optimal des autres, la substitution de services à des produits (dématérialisation), le partage et la mise en commun de certains outils (tout le monde doit-il posséder son karcher.?); mais aussi développer les possibilités de traitement autonome – comme le compostage individuel – ainsi que toutes les pratiques de réutilisation, échange, don, réparation, reprise… qui permettent d’éviter que des produits « en fin de vie apparente », comme des meubles, des jouets, des vêtements, des appareils, ne deviennent des déchets, qu’ils soient détournés d’une simple élimination et qu’ils retrouvent un usage.
Nous préconisons, à cet égard, le développement de recycleries / ressourceries dans chaque département, comme une seconde étape complétant l’essor  bénéfique des déchèteries. 
Cet « évitement », en amont, des déchets et des problèmes qu’ils suscitent peut donc se traduire de façon complémentaire par :

    • un évitement jusqu’à l’achat

qui nécessite que soient proposées des alternatives de consommation, et fait jouer l’interaction (partenariale et/ou conflictuelle) entre les choix et demandes exprimés par un consommateur averti, privilégiant les écoproduits, et les efforts des producteurs / distributeurs pour devancer ou répondre à ces attentes.

    • un évitement avant l’abandon,

qui nécessite que soient proposées des alternatives de rejet.

Les collectivités ont un rôle essentiel à jouer en la matière. Elle doivent concevoir et mettre en œuvre de véritables programmes locaux de prévention, orchestrant ces différentes alternatives.
Mais l’Etat lui-même doit , non seulement donner l’exemple, mais aussi favoriser des campagnes d’information en faveur d’une consommation raisonnée, notamment auprès des jeunes, afin de contrecarrer le matraquage publicitaire. La prévention des déchets mérite d’être une véritable « cause nationale », comme la prévention routière ou sanitaire…

2 – le tri des déchets, malgré tout engendrés, doit être optimisé,
en privilégiant toutes solutions reposant sur le non mélange au moment du rejet dans les entreprises et les foyers, ce tri doit viser à séparer au mieux :

  • les produits toxiques, à extraire impérativement des autres flux à traiter (qu’il s’agisse de recyclage matière, organique ou de l’incinération déjà en place), ainsi que du stockage final.
  • les matériaux destinés à un recyclage matière,
  • les fermentescibles destinés à un recyclage organique,

Pour ces recyclages, notre objectif est de tendre, tant au plan national que pour chaque entité de gestion des déchets, vers un niveau de tri de 50 puis 70% des déchets ménagers et d’entreprises.

Dans ce cadre :

  • le tri des matériaux recyclables doit être encore accru et optimisé, notamment sur une gamme plus large de plastiques et au delà des seuls emballages.
  • les fractions fermentescibles des déchets doivent être recyclées le plus et le mieux possible en tant que matière organique destinée à retourner vers les sols agricoles (gravement déficitaires).
    La qualité sanitaire et agronomique de l’amendement organique produit est alors un critère prioritaire. Deux voies peuvent être mises en étroite complémentarité pour cela :

    • un compostage autonome de proximité (individuel ou à l’échelle d’immeubles, de quartiers), doit être privilégié et promu partout où c’est possible (évitons l’enlèvement systématique et exclusif des déchets d’espaces verts,  véritable « aspirateurs à déchets » au détriment des pratiques de compostage in situ).
    • le compostage ou la méthanisation industriels ; dans le temps, et selon les conditions locales, le gisement exploité devra gagner en exhaustivité : des fermentescibles de restauration collective, déchets d’espaces verts  (avec la réserve ci-dessus) pour aller vers l’ensemble de la Fraction Fermentescible des Ordures Ménagères (F.F.O.M.) correctement triée.

L’objectif de EELV est la sortie de l’incinération des ordures. Dans l’état actuel des choses, et vu les errements qui perdurent encore, EELV exige un moratoire sur toutes extensions de capacité ou nouvelles unités d’incinération des ordures.
La poursuite du fonctionnement des installations d’incinération déjà existantes ne peut être tolérée qu’à condition d’un strict respect des normes européennes (faut-il le préciser ? hélas oui), un contrôle technique renforcé (mesures en continue) et une transparence permettant le contrôle démocratique des citoyens.
Une véritable valorisation énergétique des déchets ne sera envisageable que sur des fractions effectivement combustibles et non contaminées (des résidus de bois non traité par exemple), et à condition qu’une vraie politique de réduction à la source et de prévention ait été au préalable concrètement mise en œuvre.

Enfin, les Centres de Stockage des Déchets Ultimes où sera déposé ce qui reste ( réduit à son tonnage minimum) doivent présenter la réversibilité initialement prévue par le législateur (le terme stockage n’a pas d’autre sens et les déchets dits ultimes d’aujourd’hui ne le seront pas demain).
Là aussi, la configuration précise de cette dernière étape  sera variable, selon les conditions et circonstances locales, et particulièrement selon l’importance qui aura pu être donnée aux  maillons précédents : recyclages matière et organique plus ou moins exhaustifs. En conséquence, le centre de stockage peut être conçu et accompagné de différentes manières, avec notamment :

  • un centre de tri complémentaire sur place et un stockage en alvéoles spécialisées.
  • une stabilisation aérobie, avant enfouissement, des derniers éléments organiques de la « poubelle grise »
  • ou au contraire une exploitation comme un réacteur anaérobie, avec une récupération et une valorisation complète du méthane produit.

3 – Un financement et des modes de gestion adaptés à une perspective écologiste
Le coût d’une gestion optimale des déchets doit être accepté, à la hauteur des attentes sociales exprimées, notamment en matière de prévention des risques pour la santé et l’environnement. Le financement de la gestion des déchets doit donc obligatoirement passer par des mécanismes qui soient à la fois :

  • les plus équitables possible (notamment certains producteurs de déchets ne doivent pas payer pour ceux des autres : les citoyens payant l’élimination des déchets d’entreprises, par exemple…),
  • incitatifs en faveur d’une réduction à la source, du tri et du recyclage,
  • transparents et lisibles pour tous.

En conséquence, le financement du service public local de gestion des déchets doit reposer sur deux piliers complémentaires :
les mécanismes de redevance incitative sont à privilégier (« payez selon ce que vous jetez »), au détriment de la T.E.O.M. A fortiori le recours indifférencié au seul budget de la collectivité n’est plus du tout acceptable. Un budget spécifique « déchets » doit être identifié. Si la fiscalité locale doit être un outil de redistribution sociale, on peut trouver pour cela d’autres supports ( taxe d’habitation, exonérations…) que ceux liés à l’environnement et à la consommation de ses ressources. Sans attendre, la redevance spéciale pour les entreprises doit être enfin systématisée, en cas de prise en charge de leurs déchets par la collectivité, (obligation légale depuis 1992… quasi inappliquée !), ce qui n’empêche pas au contraire de proposer, là aussi, des alternatives préventives aux entreprises locales.
– de véritables mécanismes d’internalisation des coûts de gestion des déchets dans le prix des produits initiaux doivent progressivement se substituer en grande partie au financement par l’usager du service. Ce paiement à l’achat est, en effet, le meilleur levier pour des changements de production et de consommation, pour autant que le niveau de contribution soit « visible » à la fois par son ampleur et par sa transparence aux yeux du consommateur, et clairement différencié au détriment des produits les moins favorables à l’environnement. Si elle ne peut être systématiquement affichée sur le produit commercialisé (lorsqu’il est trop petit, par exemple), la contribution internalisée devra être néanmoins portée à la connaissance du consommateur (celui-ci doit pouvoir aisément accéder à une information objective sur ce que coûte, par exemple, le pot de son yaourt… par rapport au yaourt lui-même). Cela passe par une application généralisée et approfondie du principe de Responsabilité Elargie des Producteurs (R.E.P. : le producteur et le distributeur doivent se donner les moyens d’assumer le devenir en fin de vie de leurs produits).
A cet égard, le dispositif éco-emballages est loin d’être achevé et satisfaisant (internalisation insignifiante, part trop importante laissée aux collectivités dans la couverture des coûts, manque de signification du « point vert », et maîtrise insuffisante des missions d’intérêt public confiées à cet « éco-organisme »). Idem pour les autres dispositifs : piles et accumulateurs ou, plus récemment, déchets électriques et électroniques (D3E). La France ne doit pas transposer au rabais les Directives communautaires (c’est d’ailleurs absurde, à terme, pour nos industries d’un point de vue concurrentiel…). L’agrément, par les pouvoirs publics, d’organismes privés prenant en charge la R.E.P. ne doit pas se faire au détriment de l’intérêt général (par exemple, il ne serait pas acceptable que la place des entreprises d’insertion dans la filière de démontage et de revalorisation des appareils ménagers soit remise en cause, au nom de la rentabilité, à l’occasion d’une prise en main par les producteurs, qui privilégieraient l’option d’incinération des composants plastiques).
Pour compléter ces outils économiques, une discrimination fiscale positive doit être opérée par l’Etat en faveur des produits les plus favorables à l’environnement par une TVA réduite sur les écoproduits certifiés, produits recyclés, outils de prévention comme les composteurs etc).

Le potentiel de création d’emploi et d’insertion d’une politique des déchets privilégiant les services, les réparations, le tri pour recyclages est un aussi un atout de nos propositions.
Le secteur de l’économie sociale et solidaire préfigure déjà de nombreuses pistes, et on a déjà évoqué plus haut la nécessité d’outils nouveaux comme les recycleries-ressourceries.
Il faudra davantage d’ambassadeurs du tri que les 3000 envisagés pour 2008. De nouveaux métiers sont à développer autour de la prévention des déchets (maîtres composteurs, conseil en économie familiale…), qui favoriseront par ailleurs le lien social et l’autonomie de nos concitoyens. De véritables filières d’éducation  et de formation continue doivent être montées en conséquence.
Le développement du marché du recyclage, avec un souci de rechercher des solutions locales de gestion de la ressource, doit être pensé comme un facteur de re-localisation des activités.
 

4 – De la démocratie, enfin, et une véritable maîtrise publique de la gestion des déchets.
Il n’est pas possible de requérir une participation active des citoyens à la gestion de leurs déchets (tri à la source, apport aux recycleries, consommation raisonnée…) sans les faire aussi participer plus étroitement aux décisions ainsi qu’au suivi de celles-ci.
La concertation et les débats doivent donc être engagés plus en amont, au travers par exemple de démarches de conférences citoyennes.
Si on veut dépasser l’écueil du syndrome NIMBY, il faut faire enfin jouer pleinement et enrichir les outils d’information et de concertation théoriquement déjà existants :

  • des Plans territoriaux débattus et vraiment suivis et ajustés dans le temps ( l’aire géographique d’application des Plans devrait par ailleurs progressivement privilégier  le bassin de vie plutôt qu’un découpage administratif) ;
  • des rapports annuels sur la gestion du service digne de ce nom , portés à la connaissance des administrés, aisément compréhensibles ;
  • des Commissions Locales des Usagers des Services Publics systématiques et véritablement opérantes
  • des Commissions Locales d’Information et de Surveillance disposant, elles aussi, de moyens suffisants pour permettre un fonctionnement régulier et dynamique, des  contrôles indépendants.

Les unités de traitements et de stockage des déchets, quelles qu’elles soient doivent d’ailleurs bénéficier de contrôles beaucoup plus réguliers, voire en continu, de leurs rejets et d’un suivi écotoxicologique et épidémiologique sérieux.

 

NOS PRIORITES

  1. Priorité absolue à la prévention et maximisation des recyclages, notamment organique.
  2. Moratoire sur les incinérateurs et réversibilité du stockage.
  3. Développement du financement intégré au prix des produits (responsabilité des producteurs) et de la redevance incitative.
  4. Transparence et contrôle démocratique

 

 

Une réflexion au sujet de “Perspective écologiste pour une gestion durable des déchets

  1. C’est bien la prévention, l’incitation, c’est bien de dire à l’usager « faite ci plutôt que ça, mais il faut aussi songer à réglementer. Les parlements doivent légiférer davantage.

Les commentaires sont fermés.